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DIZFOUL.

et à gauche, les tcharvadars signalent Mozaffer el Molk et le docteur Moustapha : au milieu du groupe je reconnais Marcel.

Je relève la tête de ma triste monture, je serre des genoux ses flancs amaigris. — Hue ! Rossinante !

La physionomie du hakem respire l’intelligence, mais les traits manquent de noblesse.

Le gouverneur sortait de la ville comme mon mari y arrivait. Il pria Marcel de revenir sur ses pas et de l’accompagner jusqu’à l’imam-zadé, où l’attendait une collation. Chemin faisant, ils causeront des affaires de la mission, du docteur Tholozan, du chah et surtout du Faranguistan. Les ordres que sollicite mon mari seront rédigés par un de ces nombreux mirzas toujours à la disposition d’un haut fonctionnaire.

Mozaffer el Molk m’engage gracieusement à partager son repas. Je regarde Marcel, Marcel me regarde, et je m’excuse sous prétexte d’amener en ville un personnel fatigué et des bagages mouillés au passage de la rivière de Konah. Avant de nous séparer, le gouverneur ordonne à Mirza Abdoul-Raïm d’escorter le convoi et de nous conduire au palais qu’il vient d’abandonner.

Le Hakem ne ferme pas, ainsi qu’un évêque, la marche de la procession : cavaliers, tcharvadars, soldats, domestiques, mulets, ânes, noircissent le frayé jusqu’aux portes de la ville. Bien qu’il soit imprudent d’évaluer une foule aussi désordonnée, je ne puis estimer à moins de trois à quatre mille le nombre des personnes attachées au camp.

Voici Dizfoul. Les rues contrastent par leur propreté relative avec les labyrinthes de la triste Chouster ; les maisons, de briques cuites, sont presque d’aplomb ; les chaussées presque nivelées, mais dangereuses à cause des fossés creusés au milieu de la voie ; une population active et dense se presse dans la grande artère que nous suivons pour traverser la ville, atteindre le pont et gagner le palais bâti sur l’autre rive de l’Ab-Dizfoul.

Jardins fleuris et tendre verdure font également défaut autour de la résidence gouvernementale. Jusqu’aux murs d’enceinte s’étend un terrain vague, rocheux, mal nivelé, où s’empilent les fumiers et les détritus laissés par la maison militaire. À la voix bien connue de Mirza Abdoul-Raïm, un vieux concierge ouvre la porte, et nous pénétrons dans le palais, réputé succursale du paradis.

Quelques marches conduisent aux appartements du rez-de-chaussée. On entre d’abord dans une grande pièce blanchie à la chaux, percée de douze portes, vitrées avec des carreaux de toile. Sur la gauche se présente un buen retiro moins ventilé. Si les portes encombrent ce logis, on n’en saurait dire autant du mobilier : je ne prendrai en charge qu’une natte de feuilles de palmier étendue sur le sol raboteux. Suivant l’usage du pays, le gouverneur a déménagé les tapis de sa résidence ; les serviteurs ont