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hélène swarth.

XCII.

LES NARCISSES.


L’air est lourd de l’arôme enivrant des narcisses.
Je rêve à tes yeux clairs, bleus comme le printemps.
Le printemps et tes yeux promettent des délices.
Et je respire en vain le parfum des calices,
Je rêve à tes yeux clairs pleins de bonheurs latents.

Et je n’écoute plus le conseil des narcisses :
— « N’aime que toi, poète, et vis de ton orgueil.
Mire tes yeux brûlants dans les fontaines lisses
Et tu retrouveras les suprêmes délices,
N’adorant que ton âme et n’aimant que ton deuil. »

J’ai contemplé mon âme en fleur comme Narcisse
Et j’ai tendu les bras vers le rêve ignoré.
Mes lèvres et mes pleurs ont troublé l’onde lisse
Et je m’éveille enfin dans l’horreur du supplice
De n’étreindre qu’une ombre — et non pas l’Adoré.