Page:Swift - Gulliver, traduction Desfontaines, 1832.djvu/129

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rir sur le lit : l’un approcha de mon visage ; sur quoi je me levai tout effrayé et mis le sabre à la main pour me défendre. Ces animaux horribles eurent l’insolence de m’attaquer des deux côtés ; mais je fendis le ventre à l’un, et l’autre s’enfuit. Après cet exploit je me couchai pour me reposer et reprendre mes esprits. Ces animaux étaient de la grosseur d’un mâtin, mais infiniment plus agiles et plus féroces ; en sorte que si j’eusse ôté mon ceinturon et mis bas mon sabre avant de me coucher, j’aurais été infailliblement dévoré par deux rats.

Bientôt après ma maîtresse entra dans la chambre ; et, me voyant tout couvert de sang, elle accourut et me prit dans sa main. Je lui montrai avec mon doigt le rat mort, en souriant et en faisant d’autres signes, pour lui faire entendre que je n’étais pas blessé, ce qui lui donna de la joie. Je tâchai de lui faire entendre que je souhaitais fort qu’elle me mît à terre, ce qu’elle fit ; mais ma modestie ne me permit pas de m’expliquer autrement qu’en montrant du doigt la porte, et en faisant plusieurs révérences. La bonne femme m’entendit, mais avec quelque difficulté ; et, me reprenant dans sa main, alla dans le jardin où elle me mit à terre. Je m’éloignai environ à cent toises ; et, lui faisant signe de ne me pas regarder, je me ca-