Page:Swift - Gulliver, traduction Desfontaines, 1832.djvu/154

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dans une salle extérieure du palais : elle avait un robinet bien près du fond, pour laisser sortir l’eau de temps en temps, et deux domestiques la pouvaient remplir dans une demi-heure de temps. C’est là que l’on me fit ramer pour mon divertissement, aussi bien que pour celui de la reine et de ses dames, qui prirent beaucoup de plaisir à voir mon adresse et mon agilité. Quelquefois je haussais ma voile, et puis c’était mon affaire de gouverner pendant que les dames me donnaient un coup de vent avec leurs éventails ; et quand elles se trouvaient fatiguées, quelques-uns des pages poussaient et faisaient avancer le navire avec leur souffle, tandis que je signalais mon adresse à tribord et à bâbord, selon qu’il me plaisait. Quand j’avais fini, Glumdalclitch reportait mon navire dans son cabinet, et le suspendait à un clou pour sécher.

Dans cet exercice, il m’arriva une fois un accident qui pensa me coûter la vie ; car, un des pages ayant mis mon navire dans l’auge, une femme de la suite de Glumdalclitch me leva très-officieusement pour me mettre dans le navire ; mais il arriva que je glissai d’entre ses doigts, et je serais infailliblement tombé de la hauteur de quarante pieds sur le plancher, si, par le plus heureux accident du monde, je