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d’herbe sur un morceau de terre où auparavant il n’y en avait qu’un, il mériterait beaucoup du genre humain et rendrait un service plus essentiel à son pays que toute la race de nos sublimes politiques.

La littérature de ce peuple est fort peu de chose, et ne consiste que dans la connaissance de la morale, de l’histoire, de la poésie et des mathématiques ; mais il faut avouer qu’ils excellent dans ces quatre genres.

La dernière de ces connaissances n’est appliquée par eux qu’à tout ce qui est utile ; en sorte que la meilleure partie de notre mathématique serait parmi eux fort peu estimée. À l’égard des entités métaphysiques, des abstractions et des catégories, il me fut impossible de les leur faire concevoir.

Dans ce pays, il n’est pas permis de dresser une loi en plus de mots qu’il n’y a de lettres dans leur alphabet, qui n’est composé que de vingt-deux lettres : il y a même très-peu de lois qui s’étendent jusqu’à cette longueur. Elles sont toutes exprimées dans les termes les plus clairs et les plus simples, et ces peuples ne sont ni assez vifs ni assez ingénieux pour y trouver plusieurs sens ; c’est d’ailleurs un crime capital d’écrire un commentaire sur aucune loi.

Ils possèdent de temps immémorial l’art d’im-