Page:Swift - Gulliver, traduction Desfontaines, 1832.djvu/182

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qu’un atome, et que sa petitesse devait sans cesse l’humilier. Hélas ! que suis-je, me disais-je, moi, qui suis au-dessous de rien en comparaison de ces hommes qu’on dit être si petits et si peu de chose ?

Dans ce même livre, on faisait voir la vanité du titre d’altesse et de grandeur, et combien il était ridicule qu’un homme qui avait au plus cent cinquante pieds de hauteur osât se dire haut et grand. Que penseraient les princes et les grands seigneurs d’Europe, disais-je alors, s’ils lisaient ce livre, eux qui, avec cinq pieds et quelques pouces, prétendent sans façon qu’on leur donne de l’altesse et de la grandeur ? Mais pourquoi n’ont-ils pas aussi exigé les titres de grosseur, de largeur, d’épaisseur ? Au moins auraient-ils pu inventer un terme général pour comprendre toutes ces dimensions, et se faire appeler votre étendue. On me répondra peut-être que ces mots altesse et grandeur se rapportent à l’âme et non au corps ; mais si cela est, pourquoi ne pas prendre des titres plus marqués et plus déterminés à un sens spirituel ? pourquoi ne pas se faire appeler votre sagesse, votre pénétration, votre prévoyance, votre libéralité, votre bonté, votre bon sens, votre bel esprit ? Il faut avouer que, comme ces titres auraient été très-beaux et très-honorables, ils