Page:Swift - Gulliver, traduction Desfontaines, 1832.djvu/183

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

auraient aussi semé beaucoup d’aménité dans les compliments des inférieurs, rien n’étant plus divertissant qu’un discours plein de contre-vérités.

La médecine, la chirurgie, la pharmacie, sont très-cultivées en ce pays-là. J’entrai un jour dans un vaste édifice, que je pensai prendre pour un arsenal plein de boulets et de canons. C’était la boutique d’un apothicaire : ces boulets étaient des pillules, et ces canons des seringues. En comparaison nos plus gros canons sont en vérité de petites couleuvrines.

À l’égard de leur milice, on dit que l’armée du roi est composée de cent soixante-seize mille hommes de pied et de trente-deux mille de cavalerie, si néanmoins on peut donner ce nom à une armée qui n’est composée que de marchands et de laboureurs, dont les commandans ne sont que les pairs et la noblesse, sans aucune paie ou récompense. Ils sont à la vérité assez parfaits dans leurs exercices, et ont une discipline très-bonne ; ce qui n’est pas étonnant, puisque chaque laboureur est commandé par son propre seigneur, et chaque bourgeois par les principaux de sa propre ville, élus à la façon de Venise.

Je fus curieux de savoir pourquoi ce prince,