Page:Swift - Gulliver, traduction Desfontaines, 1832.djvu/186

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tout le royaume aux gens de qualité de petits animaux curieux. J’étais à la vérité traité avec beaucoup de bonté, j’étais le favori du roi et de la reine, et les délices de toute la cour ; mais c’était sur un état qui ne convenait pas à la dignité de ma nature humaine. Je ne pouvais d’ailleurs oublier les précieux gages que j’avais laissés chez moi. Je souhaitais fort de me retrouver parmi des peuples avec lesquels je me pusse entretenir d’égal à égal, et d’avoir la liberté de me promener par les rues et par les champs sans crainte d’être foulé aux pieds, d’être écrasé comme une grenouille, ou d’être le jouet d’un jeune chien ; mais ma délivrance arriva plus tôt que je ne m’y attendais, et d’une manière très-extraordinaire, ainsi que je vais le raconter fidèlement, avec toutes les circonstances de cet admirable événement.

Il y avait deux ans que j’étais dans ce pays. Au commencement de la troisième année, Glumdalclitch et moi étions à la suite du roi et de la reine, dans un voyage qu’ils faisaient vers la côte méridionale du royaume. J’étais porté à mon ordinaire dans ma boîte de voyage, qui était un cabinet très-commode, large de douze pieds. On avait, par mon ordre, attaché un brancard avec des cordons de soie aux quatre coins du haut de la boîte, afin que je sentisse