Page:Swift - Gulliver, traduction Desfontaines, 1832.djvu/267

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Je voulus voir Aristote et Descartes. Le premier m’avoua qu’il n’avait rien entendu à la physique, non plus que tous les philosophes ses contemporains, et tous ceux même qui avaient vécu entre lui et Descartes : il ajouta que celui-ci avait pris un bon chemin, quoiqu’il se fût souvent trompé, surtout par rapport à son système extravagant touchant l’âme des bêtes. Descartes prit la parole, et dit qu’il avait trouvé quelque chose, et avait su établir d’assez bons principes ; mais qu’il n’était pas allé fort loin, et que tous ceux qui désormais voudraient courir la même carrière seraient toujours arrêtés par la faiblesse de leur esprit, et obligés de tâtonner ; que c’était une grande folie de passer sa vie à chercher des systèmes, et que la vraie physique convenable et utile à l’homme était de faire un amas d’expériences, et de se borner là ; qu’il avait eu beaucoup d’insensés pour disciples, parmi lesquels on pouvait compter un certain Spinosa.

J’eus la curiosité de voir plusieurs morts illustres de ces derniers temps, et surtout des morts de qualité ; car j’ai toujours eu une grande vénération pour la noblesse. Oh ! que je vis des choses étonnantes lorsque le gouverneur fit passer en revue devant moi toute la suite des aïeux de la plupart de nos ducs, de nos marquis, de nos comtes, de nos gentilshommes modernes !