Page:Swift - Gulliver, traduction Desfontaines, 1832.djvu/338

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le priant de m’excuser si je ne me servais pas des termes propres.

Je lui dis donc que j’étais né d’honnêtes parens, dans une île qu’on appelait l’Angleterre, qui était si éloignée que le plus vigoureux des Houyhnhnms pourrait à peine faire ce voyage pendant la course annuelle du soleil ; que j’avais d’abord exercé la chirurgie, qui est l’art de guérir les blessures ; que mon pays était gouverné par une femelle que nous appelions la reine ; que je l’avais quitté pour tâcher de m’enrichir et de mettre à mon retour ma famille un peu à son aise ; que, dans le dernier de mes voyages, j’avais été capitaine de vaisseau, ayant environ cinquante yahous sous moi, dont la plupart étaient morts en chemin, de sorte que j’avais été obligé de les remplacer par d’autres tirés de diverses nations ; que notre vaisseau avait été deux fois en danger de faire naufrage, la première fois par une violente tempête, et la seconde pour avoir heurté contre un rocher.

Ici mon maître m’interrompit pour me demander comment j’avais pu engager des étrangers de différentes contrées à se hasarder de venir avec moi après les périls que j’avais courus et les pertes que j’avais faites. Je lui répondis que tous étaient des malheureux qui n’avaient ni feu ni lieu, et qui avaient été obligés