Page:Swift - Gulliver, traduction Desfontaines, 1832.djvu/369

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rieuse et pénible est un régime excellent pour la tristesse et la mélancolie. C’est un remède que j’ai éprouvé moi-même, et que je conseille au lecteur de pratiquer lorsqu’il se trouvera dans un pareil état. Au reste, pour prévenir le mal, je l’exhorte à n’être jamais oisif ; et, supposé qu’il n’ait malheureusement aucune occupation dans le monde, je le prie d’observer qu’il y a de la différence entre ne faire rien et n’avoir rien à faire.

Nos yahous, continua mon maître, ont une passion violente pour une certaine racine qui rend beaucoup de jus. Ils la cherchent avec ardeur, et la sucent avec un plaisir extrême, et sans se lasser. Alors on les voit tantôt se caresser, tantôt s’égratigner, tantôt hurler et faire des grimaces, tantôt jaser, danser, se jeter par terre, se rouler et s’endormir dans la boue.

Les femelles des yahous semblent redouter et fuir l’approche des mâles : elles ne souffrent point qu’ils les caressent ouvertement devant les autres ; la moindre liberté en public les blesse, les révolte, et les met en courroux : mais lorsqu’une de ces chastes femelles voit passer dans un endroit écarté quelque yahou jeune et bien fait, elle se cache aussitôt derrière un arbre ou un buisson, de manière pourtant que le jeune yahou puisse l’apercevoir et l’aborder.