majesté blefuscudienne, dont les vertus éclatantes étaient répandues par tout l’univers. Je promis de me rendre auprès de sa personne royale avant que de retourner dans mon pays.
Peu de jours après, je demandai à l’empereur la permission de faire mes compliments au grand roi de Blefuscu : il me répondit froidement qu’il le voulait bien.
J’ai oublié de dire que les ambassadeurs m’avaient parlé avec le secours d’un interprète. Les langues des deux empires sont très-différentes l’une de l’autre ; chacune des deux nations vante l’antiquité, la beauté et la force de sa langue et méprise l’autre. Cependant l’empereur, fier de l’avantage qu’il avait remporté sur les Blefuscudiens par la prise de leur flotte, obligea les ambassadeurs à présenter leurs lettres de créance, et à faire leur harangue dans la langue lilliputienne ; et il faut avouer qu’à raison du trafic et du commerce qui est entre les deux royaumes, de la réception réciproque des exilés et de l’usage où sont les Lilliputiens d’envoyer leur jeune noblesse dans le Blefuscu, afin de s’y polir et d’y apprendre les exercices, il y a très-peu de personnes de distinction dans l’empire de Lilliput, et encore moins de négociants ou de matelots dans les places maritimes qui ne parlent les deux langues.