Aller au contenu

Page:Swift - Gulliver, traduction Desfontaines, 1832.djvu/73

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

J’eus alors occasion de rendre à sa majesté impériale un service très-signalé. Je fus un jour réveillé, sur le minuit, par les cris d’une foule de peuple assemblé à la porte de mon hôtel : j’entendis le mot burgum répété plusieurs fois. Quelques-uns de la cour de l’empereur, s’ouvrant un passage à travers la foule, me prièrent de venir incessamment au palais, où l’appartement de l’impératrice était en feu par la faute d’une de ses dames d’honneur, qui s’était endormie en lisant un poème blefuscudien. Je me levai à l’instant, et me transportai au palais avec assez de peine, sans néanmoins fouler personne aux pieds. Je trouvai qu’on avait déjà appliqué des échelles aux murailles de l’appartement, et qu’on était bien fourni de seaux ; mais l’eau était assez éloignée. Ces seaux étaient environ de la grosseur d’un dé à coudre, et le pauvre peuple en fournissait avec toute la diligence qu’il pouvait. L’incendie commençait à croître, et un palais si magnifique aurait été infailliblement réduit en cendres, si, par une présence d’esprit peu ordinaire, je ne me fusse tout-à-coup avisé d’un expédient. Le soir précédent, j’avais bu en grande abondance d’un vin blanc appelé glimigrim, qui vient d’une province de Blefuscu, et qui est très-diurétique. Je me mis donc à uriner en si grande abondance, et j’appliquai l’eau si à