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COMMENCEMENT DE LA GUERRE ANGLO-FRANÇAISE. 115

de Dubois-Crancé, il fut résolut que les troupes de ligne seraient fondues avec les volontaires en demi-brigades mêlées, et que, dans ces demi-brigades, les deux tiers des places d’officiers, jusqu’au grade de chef de brigade, seraient données à l’élection, et le dernier tiers à l’ancienneté, non de grade, mais de service (1). Dubois-Crancé expliqua en ces termes le but de ces dispositions « Il s’agit d’arriver à confondre les deux sortes de troupes, non en changeant les volontaires en troupes de ligne, mais en transformant les troupes de ligne en volontaires; vous ne devez pas craindre de désorganiser l’armée en agissant ainsi; au contraire, il faut détruire son état actuel pour arriver à une organisation salutaire vous êtes tous disposés à donner aux soldats la paye éle-’ vée des volontaires; mais ils demandent aussi à jouir des mêmes droits, et ce n’est que par amour pour la liberté qu’ils se pressent vers les bataillons nationaux. Vous êtes perdus, ajouta-t-il naïvement, sous forme de conclusion, si vous ne faites pas des volontaires de tous vos soldats, et si vous ne déclarez pas le service militaire obligatoire pour tous les citoyens. Isnard ayant essayé de faire comprendre les dangers qu’aurait le système d’élection pour l’obéissance et la discipline, on lui répliqua que, de tout temps, les aristocrates avaient eu le mot de discipline à la bouche, et Saint-Just déclara (à son point de vue, il avait grandement raison) que cette mesure seule pourrait garantir de la tyrannie militaire. Tout ce que put obtenir la droite fut que le mélange des deux sortes de troupes n’aurait lieu qu’à la fin de la campagne qui allait s’ouvrir en effet, il semblait imprudent, même aux bébertistes, de bouleverser tous les cadres au moment de commencer la lutte.

C’est ainsi que s’accomplit légalement l’anéantissement de l’ancienne armée projeté par Pache. La République se disposait à démocratiser un demi-million de ses troupes et à donner le coup de la mort à la vieille société française, ainsi qu’à l’indépendance de l’Europe. Les volontaires de l’armée belge comprirent le sens de la loi nouvelle aussi bien que les recrues ré(1) De façon que, pour une place de major, le plus vieux sous-officier passait avant le plus jeune capitaine. Saint-Cyr rapporte que, par suite de cette mesure, on vit un vieux soldat incapable de quoi que ce fut devenir officier d’etat-major en quelques semaines.