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Page:Sybel - Histoire de l’Europe pendant la Révolution française 2.djvu/123

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ANCIENNE POLITIQUE DE LA RUSSIE. 119

l’Océan et de la renaissance des études classiques se présente immédiatement à notre esprit. En Russie, au lieu de ces éléments de civilisation, nous voyons, au xiu° siècle, Moscou et le pays tout entier courbé sous le joug des Mongols puis vinrent, au xvr siècle, les guerres de délivrance, grâce auxquelles les grands-princes du Kremlin parvinrent à renverser la domination des barbares. Un siècle de domination asiatique et de luttes sanglantes avait étouffé tout germe de civilisation dans ce pays qui, jusque-là, sauf quelques caractères particuliers, avait été dans une situation analogue à celle des peuples de l’Occident, et aurait pu arriver à un égal développement. On n’y trouvait plus que de petits seigneurs, humbles serviteurs des Khans et de la Horde d’Or, et maîtres impitoyables pour le peuple qu’opprimait un double joug. Église indépendante, corporations fortement organisées, culture intellectuelle, toutes ces sources vitales des nations de l’Occident étaient là choses inconnues.

Lorsqu’enfin les princes de Moscou, après avoir conquis l’indépendance, élevèrent leur domination sur les ruines de l’empire mongol, on vit s’ouvrir une ère nouvelle, qui n’avait rien de commun avec le passé. Les nouveaux maîtres du pays ne pouvaient se soutenir qu’au moyen de conquêtes. Un prince guerrier, qui appelle ses compagnons aux armes, qui soumet avec leur aide les pays environnants, dont il extermine les seigneurs lorsque ceux-ci ne veulent pas se joindre à lui, qui en partage les terres entre ses chevaliers, à condition qu’ils s’engageront à le servir dans ses expéditions un pouvoir qui ne voit dans chaque conquête que le moyen d’en faire de nouvelles et ne laisse se développer dans le peuple qu’un seul penchant, qu’une seule pensée, la guerre telle est l’image qu’offrait la nation russe à l’époque de la réformation allemande, lorsque régnaient en Angleterre la grande Élisabeth, et en France Henri IV. On ne trouve rien chez cette nation qui rappelle la vie publique des Grecs, la politique profonde des Romains ou la riche individualité des Germains on n’y voit enfin aucune trace des éléments qui ont produit la grandeur des nations de l’Occident. Le partage des biens entre les boyards n’y créait aucune aristocratie, car, de même que chez les Timariotes de la Turquie, les fiefs n’y étaient donnés qu’en usufruit et étaient toujours susceptibles de révocation. C’était