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Page:Sybel - Histoire de l’Europe pendant la Révolution française 2.djvu/125

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ANCIENNE POLITIQUE DE LA. RUSSIE. 121

à la liberté individuelle. C’est de cette dernière forme que procède le christianisme enseigné par l’apôtre saint Paul, où domine, réagissant contre les formes sévères et froides de la hiérarchie, l’élan personnel inspiré par l’ardeur du salut. C’est la seule croyance par laquelle, n’importe à quelle époque, la vie religieuse se soit développée en Germanie, tandis que la Russie, au contraire, n’a jamais connu que la constitution orientale de l’Église.

Il est vrai que l’Église romaine du moyen âge a aussi entrepris, au nom de la religion, non-seulement de diriger lésâmes, mais de soumettre le monde entier. Elle a discipliné les peuples, influé sur les lois des États, courbé le front des rois et combattu les infidèles par le fer et la flamme, sur terre et sur mer. Mais les sentiments des habitants et la force des circonstances rendaient impossible dans nos contrées une complète application de ce système. L’Église n’était pas assez forte pour s’emparer ouvertement de l’autorité temporelle elle l’était trop pour que les rois pussent devenir ses chefs. L’Église et l’État continuèrent donc à prospérer sous des autorités distinctes, et cette séparation favorisa l’indépendance de l’esprit individuel. La réunion de ces deux pouvoirs en une seule main eût pu engendrer le despotisme mais le pape et l’empereur luttèrent l’un contre l’autre, et cette lutte tourna au profit de la liberté, tandis qu’en Orient l’alliance des deux pouvoirs étouffait tout sentiment individuel.

La Russie reçut son christianisme de Constantinople, où, depuis longtemps, un clergé soumis honorait dans l’empereur un évêque semblable aux apôtres et aux anges. Dans le principe, les prêtres y avaient dépendu des grands-princes puis, après l’invasion des Mongols, le pouvoir guerrier qui en résulta asservit l’Église aussi despotiquement que l’État, et s’empara des âmes aussi complètement que des terres. « Les Russes, disait l’ambassadeur autrichien IIerberstein, honorent saint Basile, saint Grégoire et saint Chrysostome, ne permettent pas de prédications dans l’office divin, de peur qu’elles ne donnent lieu à des hérésies, et croient et pratiquent tout ce que le czar déclare être la vraie foi. » On sait que, depuis lors, il ne fut jamais question dans ce pays de progrès dans le dogme; la religion devint