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Page:Sybel - Histoire de l’Europe pendant la Révolution française 2.djvu/140

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136 DEUXIÈME PARTAGE DE LA POLOGNE.

ne fut chez elle ni prompt ni facile, car l’ancien système offrait presque autant d’avantages que le nouveau. La domination de la Russie devait être plus complète si la Pologne devenait une province russe, mais l’influence russe conservait de plus vastes frontières si la Pologne restait un État séparé ou dépendant. En effet, la Russie n’était pas encore assez forte pour pouvoir accomplir seule cette conquête, et il fallait qu’elle se résignât à laisser les États allemands, ses voisins, prendre leur part du butin. Nous verrons bientôt à quel point Catherine ressentait cette ombre apportée au tableau ce qui est certain, c’est que, dans les divers partages de la Pologne, elle fut toujours la dernière à se décider, et qu’elle pouvait dire avec raison que sans les instances des puissances allemandes, elle n’eût jamais accompli ces partages. Elle considérait ces actes sous un tout autre jour que les nations qui n’étaient pas intéressées dans la question. Tandis que celles-ci n’y voyaient que la spoliation et l’asservissement d’un peuple indépendant, Catherine, elle, y voyait une atteinte portée à un Ëtat vassal de la Russie, et la perte d’une province russe (1). Elle n’accéda aux partages que parce qu’elle s’y vit forcée mais elle s’en consola en pensant à l’avenir et a l’accroissement de pouvoir qui devait en résulter ’~pour la Russie vis-à-vis de l’Eûrope. Nous pouvons dire à cette occasion’ce qu’un des ministres russes les juteux renseignés disait à l’empereur Alexandre en 18H (2) ((L’histoire moderne de la Russie se résume presque tout entière dans l’anéantissement de la Pologne; cet anéantissement a pour but d_e mettre la Russie en contact et en communication directe avec les autres nations de l’Europe, et de lui ouvrir un plus vaste théâtre sur lequel elle puisse [déployer sa force et ses talents, et satisfaire son orgueil en même temps que ses passions et ses intérêts troubler ce plan dans ses résultats, ce_seraitporter atteinte à l’unité du gouvernement. » Ainsi, ce fut moins pour la Pologne (1) Ceci réfute, une fois pour toutes., ce que Smitt (dans ses deux ouvrages Suwarow et la chute de la Pologne, et Ft <Mf!e CN~<~e et le partage de la .Po!o~Ke)ditdes causes qui déterminèrent les partages. La première proposition officielle en vint, sans nul doute, des Allemands, mais il ne faut pas en conclure que ce fut cela qui amena la ruine de la Pologne. Si cette incitation n’eût pas été suivie, la Pologne n’eût pas été partagée, mnis elle fût tombée tout entière aux mains de la Russie.

(2) Pozzo di Borgo, Vienne, 20 octobre.