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ÂNCtENNE POLITIQUE DE LA RUSSIE. 137

elle-même que par rapport aux autres nations de l’Europe que Catherine se- détermina. La soumission de la Pologne lui était. assurée pour longtemps, puisqu’elle en avait imposé la couronne à un de ses anciens favoris, au faible Stanislas Poniatowski mais, pour donner ce pays comme point d’appui au levier qui devait ébranler l’Allemagne et l’Europe, il fallait en prendre possession absolue désormais, aucun Ëtat ne devait plus séparer les frontières russes des frontières allemandes; peu importait que les Allemands s’emparassent de quelques points de ces frontières; l’avenir était là pour réparer ce mal. C’était encore la même pensée qui animait l’empereur Alexandre, lorsqu’après avoir rompu en 1810 avec Napoléon au sujet de la simple possibilité de restaurer l’indépendance de la Pologne, il proclama en 48H le rétablissement de ce pays, mais sous sa domination, c’est-à-dire le retour à l’ancien système c’était le prétexte le plus commode pour reprendre à l’Allemagne une partie des provinces que la Russie avait perdues. 11 n’est pas besoin de dire comment son successeur renouvela l’incorporation de la Pologne, et comment se sont confirmés depuis lors les calculs de Catherine.

Le second plan de Catherine, l’érection d’un trône russe à Constantinople, témoignait de non moins vastes conceptions. Le mélange égal de calcul et d’imagination qui caractérisait l’impératrice se manifesta ici d’une manière remarquable. Quelque violent et arbitraire que fût le projet en lui-même, l’exécution en fut tout à la fuis patiente et hardie, et les démarches isolées furent si bien combinées et si bien voilées sous de spécieux prétextes, qu’on en vint souvent à douter de l’existence du plan en général. Catherine y travailla, comme au partage de la Pologne, en ayant toujours le regard fixé sur les races futures, satisfaite de leur avoir assigné un but et de leur avoir préparé les moyens de l’atteindre. Cette calme vision de l’avenir, unie à la plus ardente ambition, est d’autant plus extraordinaire que la czarine comprenait toute la valeur d’une telle conquête et savait qu’elle devait entraîner après elle une domination qui s’étendrait au delà des limites de l’Europe. Outre le Danube et Constantinople* son ambition avait en vue l’île de Minorquc, le Péloponèse et les-pays baignés par la mer Caspienne; on voit