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190 DEUXIÈME PARTAGE DE LA POLOGNE.

voient avec cent coups de bâton quiconque cherche à s’opposer à leur conduite (1). »

George Forster, qui a observé longtemps et de près les mœurs de ce pays, disait en 1791 ce mot terrible « Les gentilshommes polonais ont seuls en Europe poussé si loin l’ignorance et la barbarie, qu’ils ont anéanti dans leurs serfs presque la dernière étincelle de la pensée (~). Aussi ces paysans étaient-ils tombés dans un état de pauvreté et d’abrutissement inconnu dans le reste de l’Europe. Dans la Grande-Pologne, il est vrai, le voyageur ne les trouvait guère plus misérables que dans les pauvres villages de l’Allemagne, mais aussi y étaient-ils beaucoup mieux partagés que dans l’intérieur du pays. Là, ils habitaient des huttes de bois recouvertes d’argile, et dont l’intérieur ne formait qu’une seule pièce, où hommes, femmes, enfants et animaux vivaient entassés pêle-mêle. On n’y trouvait d’autre mobilier qu’un grand poêle qui formait la couche, commune de toute la famille, et dont la fumée cherchait une issue à travers la porte et les fentes du bâtiment (3). Le costume et la nourriture répondaient à l’habitation toute culture intellectuelle était la chose inconnue, et l’aptitude naturelle à tous les Slaves pour les travaux mécaniques ne pouvait se développer dans la misérable monotonie de cette existence. Nul ne cherchait à produire quelque chose par lui-même, car nul ne travaillait pour soi ou pour ses enfants; le fouet du maître forçait au travail, et dés que le maître avait disparu, tous retombaient dans une paresseuse inaction. La seule joie pour les hommes et pour les femmes était de se rendre chaque dimanche au cabaret, qui appartenait encore au seigneur; là, au son du violon, ils oubliaient dans les fumées de l’ivresse les misères de la semaine. Ils étaient tombés si bas, qu’ils ne comprenaient même plus qu’il pût exister de condition meilleure, et qu’ils n’aspiraient pas à une existence plus digne de la nature humaine (4). (1) Bernouilli, IV, 129.

(2) .De.ie~iûM du Ba~-jR/tM, 1790, 377.

(3) Notions .~)’ la Pologne, Salzhourg, 1793 (dédie au prince Czartoriski), I, 160 et suiv. Malmcsbur; Dwy, I, 11 « No houses, but buts: aU the family in » one miserable room. Thcheadofithasa.sortofmoe-bed: thé l’est Uoon tre floor, aud the chitdren that ba~’e thé advautage to be smaU enough creep into thé oven. » The only comfort they seem to enjoy is, a thorough p!enty of fuel (1767). a (4) Forster Uehtenberg, 18 juin 1786. Ch. Lee (qui fut plus tard général en Amérique) à Charlemont, 1" juin, 17C5 « Were 1 to call the common people