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238 DEUXIÈME PARTAGE DE LA POLOGNE.

l’avoir vu marcher presque jusqu’à la trahison par des sentiers tortueux et escarpés, nous le voyons ensuite aspirer avec une audacieuse légèreté à devenir l’arbitre des destinées de sa nation. On ne peut cependant le condamner absolument; il est dimcile même de ne pas éprouver pour lui une sorte de sympathie, que n’inspirent pas les autres chefs de la Révolution. Ce sentiment n’est pas dû seulement à ce qu’il ne trempa en rien dans les massacres de septembre, ce qui serait un mince éloge, ni à ce qu’il sauva la France à Valmy et lui apprit a triompher à Jemmapes, car nous savons que ces mérites furent dus en partie à des conseils étrangers et à un bonheur tout spécial; mais, quoiqu’il ne fût ni un homme d’État ni un général de premier ordre~ il posséda un courage intrépide, un esprit de ressources inépuisable et une nature vigoureuse, qui ne faiblit jamais, quelles que fussent d’ailleurs les fautes qui souillèrent sa vie. Il dédaigna de participer à la tyrannie populaire de Paris mais il ne fut pas assez fort pour aller jusqu’au bout et pour établir la dictature militaire. Il succomba, et avec lui disparurent les derniers souvenirs de l’ancienne armée française la nouvelle armée mit trois années à se reconstituer puis au bout de ce temps elle accomplit tout ce qu’il avait annoncé.

Pour le moment, c’en était fait du projet de marcher sur Paris mais le général n’en fût pas moins resté, en cas d’une guerre en faveur de Louis XVII (guerre que l’empereur Léopold avait eue en vue dans les derniers jours de sa vie), un allié précieux. C’eût été d’ailleurs une entreprise digne d’être tentée, que de faire enfin cette déclaration trop longtemps retardée et d’accorder à Dumouriez l’appui nécessaire pour qu’il pût lever en France la bannière constitutionnelle. Cependant le temps pressait, et Cobourg l’employait à peser le pour et le contre avec une pénible anxiété. Sa sympathie était complètement acquise à Dumouriez il n’appartenait pas à cette école des généraux do Joseph II, qui se lançaient dans de vastes plans de conquêtes; il avait déjà reconnu les tristes fruits de cette politique pendant la guerre contre les Turcs, et, au milieu même de ses triomphes, il était plein de soucis pour l’avenir. Il se voyait sur le sol ennem; avec environ trente-deux mille hommes, loin de tout secours, et entouré de toutes les résistances du sentiment national J