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Page:Sybel - Histoire de l’Europe pendant la Révolution française 2.djvu/289

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GUERRE ET DIPLOMATIE EN AVRIL ET EN MAI. 285

vière. Il n’est pas difficile de découvrir le but de cette duplicité. Thugut savait combien l’opposition de l’Autriche dans la question polonaise et ses succès dans la question bavaroise devaient être désagréables à la Prusse; il voulait donc se servir de ces deux moyens pour inquiéter ses alliés, espérant que ceux-ci, afin d’acheter la tranquillité sur un point, céderaient entièrement à l’empereur sur l’autre. Une seule remarque suffit pour condamner ce système Thugut ne possédait alors aucun moyen de s’emparer de la Bavière sans le secours de la Prusse le traité de Saint-Pétersbourg’ rejeté, la Bavière ne pouvait donc plus être qu’un sujet de haine et de discorde sans produire un résultat quelconque. Mais, tout en plaçant son unique espoir dans l’amitié de l’Angleterre, Thugut ne pouvait se résoudre à renoncer à la Bavière, comme le lui demandait le cabinet de Londres il protesta même énergiquement lorsque, à la même époque, le gouvernement anglais manifesta des prétentions sur Dunkerque pour lui-même, et sur une partie de la province de Liège pour la Hollande (1). Cette politique n’était pas plus recommandable sous le rapport de l’habileté que sous celui de la loyauté. L’homme d’État qui dirigeait alors l’empire d’Allemagne ne savait opposer à l’incendie révolutionnaire qui embrasait la France, et au torrent des conquêtes russes, que de vaines et haineuses démonstrations, dépourvues de force et de dignité.

La guerre avec la France se ressentit sur-le-champ des désastreux effets de ces discordes. Après la retraite de Custine, Mayence avait été cernée par l’armée du duc de Brunswick, vingt-deux mille Français bloqués dans la ville, les débris de l’armée du Rhin, réduite à’vingt mille hommes environ, rejetés en pleine déroute* derrière la Lauter, et l’armée de la Moselle, tout aussi affaiblie, repoussée derrière la Sarre. Brunswick était supérieur aux Français à tous égards, par le nombre et l’habileté des troupes non moins que par la force et la sûreté des positions. Tout en laissant environ trente mille hommes pour surveiller Mayence, il pouvait s’avancer avec des forces imposantes sur la crête des montagnes, séparer les deux armées ennemies, (1) Correspondence of lord Auckland, III, 68.