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388 RÈGNE DE LA TERREUR EN FRANCE.

de ces appuis et de ces alliés. Anarchiques et indomptés, livrés à toutes leurs passions, absolus et insatiables dans leurs exigences, ceux-ci pouvaient aider à renverser l’ennemi et à dépouiller les vaincus, mais leurs chefs ne devaient pas compter sur leur union, sur leur adhésion à une conduite systématique, sur leur soumission aux ordres même les plus nécessaires. De tous temps, les Jacobins s’étaient accordés à ne reconnaitre ni discipline, ni ordre, ni autorité, et ils n’étaient pas disposés à sacrifier la moindre de leurs passions à qui que ce fût, même à un des leurs. Que de fois, en essayant de diriger avec toute l’adresse de son esprit flexible ces masses bourdonnantes, si remplies d’obstination, d’imprévoyance et d’avidité, Robespierre ne dut-il pas perdre courage et désespérer de sa tâche ? Combien, au milieu de tous les soupçons qu’excitait en lui l’ambition des généraux, ne dut-il pas envier en secret le bonheur d’un dictateur qui aurait eu à ses ordres une armée soumise et toujours prête au combat? De quelque côté qu’il portât ses regards, il voyait tous les esprits convaincus de la nécessité d’un gouvernement fort, mais chacun également convaincu que c’était à lui que revenait la direction de ce gouvernement. En effet, pourquoi les Jacobins des faubourgs auraient-ils obéi aux Jacobins de l’Hôtel de Ville, ceux-ci aux Jacobins de la Convention, ou ces derniers aux Jacobins du Comité de Salut public? Tous se sentaient à un égal degré les seigneurs et les maîtres de la nation humiliée et asservie, aucun de ces nouveaux souverains n’était disposé à accorder à l’un de ses compagnons une puissance d’un seul degré supérieure & la sienne. L’histoire du gouvernement jacobin, que nous allons étudier, nous présente partout le tableau d’un despotisme jusque-là sans exemple exercé sur la masse de la nation, et de dissensions incessantes entre les possesseurs du pouvoir. Lorsque Robespierre entra au Comité de Salut public, le 27 juilletl793,lasituationn’éta!t encore bien déunieàaucun égard. La Convention avait terminé la nouvelle constitution et touchait au terme de ses pouvoirs. De tous les départements, des commissaires du peuple souverain étaient convoqués à Paris pour le 10 août, jour désigné pour que la constitution fût soumise à leur acceptation au milieu de toute la pompe d’une grande fête républicaine. Ceci fait, la Convention aurait dû légalement faire