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72 COMMENCEMENT DE LA GUERRE ANGLO-FRANÇAISE.

plus haut. C’était précisément le moment où la Convention appelait le roi à la barre de son tribunal.Rien ne pouvait frapper la Gironde d’une manière plus sensible. Elle avait jusque-là compté sur l’Angleterre, pour laquelle elle éprouvait une sympathie bien marquée; fraterniser avec la nation britannique et faire la guerre à l’Autriche, telle avait été de tout temps la devise de sa politique. Cette politique la mettait en opposition complète avec l’ancien régime, qui n’avait eu d’autre but que de s’unir avec l’Autriche pour abaisser l’Angleterre; elle la mettait également en opposition avec Lafayette, qui, en 1790, eût voulu, en combattant l’Angleterre, conserver la Belgique aux Autrichiens. C’était encore à l’aide de ce programme que la Gironde avait éloigné du gouvernement les Feuillants, lesquels correspondaient avec l’empereur d’Autriche et étaient hostiles à l’Angleterre et à la Prusse; et c’était à ce même sujet qu’elle était entrée pour la première fois en lutte avec Robespierre, lorsque celui-ci s’était opposé à la guerre contre l’Autriche, ne témoignant, à l’égard de l’Angleterre, qu’indifférence et soupçon. Bref, l’idée d’une alliance avec l’Angleterre remplissait le passé de la Gironde et devait être l’âme de son avenir.

Tout à coup, elle apprenait non-seulement que le ministère anglais faisait des préparatifs d’armement contre la France/mais que le peuple anglais tout entier ne témoignait plus que haine et mépris pour la Révolution. Elle ne pouvait conserver aucun doute sur les motifs de ce changement. Tous ses amis d’Angleterre, tous ses agents à Londres étaient unanimes dans leurs lettres. « Sans les massacres de septembre, disaient-ils, Pitt n’aurait pas osé se prononcer contre vous; maintenant, à l’aide de l’échafaud royal, il excitera le peuple anglais a vous faire une guerre offensive et vengeresse.» Les Girondins oublièrent alors combien eux-mêmes avaient contribué à amener cette situation, ou plutôt ils n’en furent que plus désespérés quand ils virent que les mêmes événements qui tournaient à l’intérieur au profit de leurs ennemis, ruinaient aussi à l’extérieur le plus grave des intérêts nationaux. L’effet produit par ce qui se passait à Londres fut donc bien plus puissant sur eux que sur le ministère. Tandis que le brusque changement qui renversait tous les rêves de propagande universelle décidait Clavière et Cambon à rendre le décret du 15 dé-