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PROCÈS DE LOUIS XVI. 87

était donc enlevé aux Girondins. Les indépendants de la Convention se virent dans la situation d’hommes qui se trouveraient sans défense en face d’une troupe d’animaux sauvages et affamés ils leur jetèrent en pâture la tête du roi, afin de se sauver eux-mêmes. Cette défection des fédérés suffit pour décider la majorité de la Convention à prononcer la sentence de mort. On ne doit voir là ni calcul, ni exaltation politique, ni crainte de la réaction royaliste, ni enthousiasme irréfléchi en faveur de la liberté, mais uniquement la force brutale d’un côté et la terreur de l’autre. Les mieux informés d’entre les contemporains, les auteurs de la catastrophe et les vaincus eux-mêmes l’ont reconnu ouvertement, sans restriction, et sans trouver de contradicteurs. Le 5 janvier, comme une section de Paris faisait entendre des menaces d’insurrection, Guadet, un des meneurs de la fraction Valazé, avait dit < Les fédérés seuls empêcheront la chose de s’accomplir, s Plus tard, Robespierre dit à ses Commettants « C’en était fait de la liberté, si les fédérés n’avaient pas deviné et fait échouer ces intrigues; mais, au dernier moment, ils ont, de concert avec les Marseillais, rendu justice aux Parisiens; ils se sont associés au peuple, et ils ont ainsi donné le coup de mort à la faction. » Trois mois après, il disait encore plus ouvertement à la Convention t De quoi ont dépendu le salut du pays et le châtiment du tyran? du courage du peuple, de l’énergie des patriotes, surtout du changement de parti si inopiné des fédérés. Si ceux-ci avaient persisté deux jours de plus dans leur aveuglement, le tyran eût été rendu à la liberté et la hache eût été dirigée contre les patriotes; mais la fraternisation des fédérés avec le peuple découragea les intrigants, lia les mains à la faction ennemie et fit pencher la balance en faveur des vrais amis du peuple. r Les fédérés eux-mêmes ne parlèrent pas autrement à la Convention le lt mars « Notre réunion aux Jacobins a sauvé Paris et conduit le tyran àl’échafaud nous avons résisté à toutes les tentatives faites par Barbaroux pour nous gagner à l’appel au peuple; si nous n’avions pas été à Paris, l’inviolabilité de Louis XVI eût renversé la République (1). o

(1) Amar dit de même dans l’acte d’accusation contre les Girondins (Mei))an p. 294) « Paris aurait nagé dans le sang, et la liberté était perdue, peut-être san << ressource, si les fédérés appelés dans cette ville par les calomnies n’avaient pa