Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 1, 1748.djvu/339

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Il prendson billet et le confronte avec celui qu’Éraste lui a laissé.

Ai-je pris l’un pour l’autre ?

Cliton

Sans doute, ou ce Billet ressemble fort au vôtre.

Oronte

Jamais telle surprise à mes sens ne s’offrit,
C’est ici mot pour mot tout ce que l’on m’écrit,
Et je reconnois trop, plus je les étudie,
Si j’j’ai l’Original, qu’Éraste a la Copie.
L’écriture est semblable, et ne diffère point..

Cliton

Vous êtes à peu près chaussés à même point.
N’importe, Dorotée a beau faire la fine,
Vous l’avez deviné, tout son fait n’est que mine,
Et l’orgueil de sa Lettre à dessein affecté
Tend un piège secret à votre liberté,
Elle brûle, et l’Amour lui seul la fait écrire ?
Ah, si devant un Maître un Valet osoit rire…

Oronte

Non, je ne prétends point, Cliton, t’en empêcher ;
Ris, j’en rirai moi-même au lieu de m’en fâcher.

Cliton

Mettez le masque bas, déjà pour vous j’enrage.
Que sert à mauvais jeu de montrer bon visage ?
Pestez, le mal redouble à qui se contraint tant.
Vous êtes, Dieu merci, de vous assez content,
Et vous voir pris pour dupe où vous pensiez y prendre.
Croyez-moi, c’est un cas, Monsieur, à s’en aller pendre.

Oronte

La pièce est délicate, et je ne cèle pas
Qu’un Sot en ce rencontre eût poussé force hélas,
Et contre ces assauts manquant d’expérience,
De sa maligne étoile accuse l’influence ;
Mais pour moi qui connois ce que c’est que d’aimer,
De semblables revers ne peuvent m’alarmer :