Si chaque Objet me plaît, c’est sans inquiétude,
Jamais de préférence, et point de servitude,
Toujours prêt de le perdre, et de m’en détacher
Au moindre événement qui me pourroit fâcher.
Ainsi quelque beau feu que je fasse paroître,
Pour ne rien hasarder, j’en suis toujours le maître ;
Ainsi divers Objets m’engageant chaque jour
Je me regarde seul dans ce trafic d’Amour,
Et chassant de mon cœur celui qui m’incommode,
Si je sais mal aimer, du moins j’aime à la mode.
Conservez cette humeur, vous en aurez besoin.
Mon déplaisir, Cliton, ne va jamais plus loin ;
Si l’une me trahit, l’autre me tient parole,
Et j’ai dans mon malheur toujours qui m’en console.
C’est là l’utilité d’aimer en divers lieux.
Hilas, tant qu’il vécut, ne l’entendit pas mieux.
Son humeur et la mienne ont quelque différence,
J’aime tant que l’on m’aime, et n’ai point d’inconstance ;
Mais quand par un caprice on songe à me quitter,
Je suis trop mon ami pour m’en inquiéter,
Je vois ce changement sans que mon cœur s’irrite,
Et remplace aisément la part qu’on m’en racquitte,
Ainsi je vis heureux, tant payé que tenu.
Votre cœur à ce compte est d’un bon revenu ?
Tel qu’il est, de beaucoup il attire l’envie ;
Mais j’en dois la moitié tout au moins à Lucie.
En ceci le partage est un étrange point.
Donnez-le tout entier, ou ne le donnez point,
Votre flamme autrement sera mal écoutée,
Et Lucie agira comme a fait Dorotée.