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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 1, 1748.djvu/341

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Oronte

Je n’ai pas lieu d’en craindre un pareil traitement,
Lucie agit toujours avec jugement,
Sa conduite est réglée, elle est modeste et sage,
Et le plus défiant n’en prendroit pas ombrage.
Je trouve seulement en elle un grand défaut.

Cliton

Quel est-il ?

Oronte

Elle m’aime un peu plus qu’il ne faut.

Cliton

Et ce défaut est grand ?

Oronte

Il est des plus notables ;
Les querelles d’Amour sont querelles aimables.
Il est beau que l’Objet qui nous tient sous sa loi
Quelque fois à dessein soupçonne notre foi,
C’est par là qu’en nos cœurs l’Amour se fortifie,
Il semble qu’il renaît quand il se justifie.
Quelque désordre en nous qu’un reproche ait produit,
Il trouve un doux remède au pardon qui le suit.
Quelque faveur nouvelle aussitôt l’accompagne,
Et jamais l’Accusé n’y perd tant qu’il y gagne :
Mais lorsque d’un Amant on remplit les souhaits,
Comme l’on vit sans guerre, on ne fait point de paix,
L’Amour triste et pensif va son train ordinaire,
Servant par habitude on perd tout soin de plaire,
Point de délicatesse, et pour qui vit ainsi,
C’est toujours, Vous m’aimez et je vous aime aussi :
Qui ne haïrait point ces grossières pratiques ?

Cliton

Vous y savez, Monsieur, d’admirables rubriques,
Pour y raffiner tant vous avez bien rêvé.