Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 1, 1748.djvu/352

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Ce sont trésors cachés qui ne servent de rien.
Pour moi, j’ai ma méthode, et je m’en trouve bien,
À plaire aux yeux de tous mon esprit s’étudie,
Je tâche d’être belle afin qu’on me le die,
Et fais fort peu d’état de ces dons précieux
Dont le farouche éclat ne frappe point les yeux.
Ce n’est pas toutefois que je sois si facile,
La plainte auprès de moi, n’est jamais fort utile
C’est en vain qu’on affecte une fausse langueur,
L’amour par les soupirs n’entre point dans mon cœur.
L’orgueil de notre sexe élevant mon courage,
D’un air impérieux j’en soutiens l’avantage,
Et ne le croyant né que pour donner des lois,
À qui porte mes fers j’en fais sentir le poids,
Sur ses propres désirs je règne en souveraine,
C’est sans abaissement que je flatte sa peine,
Et qu’après un longtemps que l’on m’a fait sa cour,
Un peu d’espoir permis est le prix de l’amour.

Lisette

Vous vous y gouvernez d’une étrange méthode.

Dorotée

C’est comme il faut aimer pour aimer à la mode ;
Pour peu qu’on se relâche, on expose son cœur
Aux suprêmes mépris d’un insolent vainqueur.
Un Amant que l’on flatte, enflé de sa victoire,
De ses soumissions perd bientôt la mémoire,
Pour en avoir raison il le faut gourmander,
Et s’il n’est à la chaîne on ne le peut garder.

Lisette

Et dans cette rigueur vous trouvez votre compte ?

Dorotée

Je t’avouerai, Lisette, avec un peu de honte…
Mais comme un jour t’acquiert mon inclination,
Reçois ma confidence avec discrétion.

Lisette

Si ce jour est trop peu pour vous marquer mon zèle,
Le temps vous fera voir que je vous suis fidèle,