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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 1, 1748.djvu/353

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Et que votre secret est sûr entre mes mains.

Dorotée

Sache donc qu’aujourd’hui les hommes sont si vains,
Que depuis plus d’un mois peut-être ou davantage,
De trois Amants à peine ai-je reçu l’hommage,
Puisque sur l’un des trois la qualité d’époux,
Quoique encore incertaine, attire mon courroux.
En faveur de Florame un Père m’assassine,
J’en estime le bien, et l’esprit, et la mine,
Mais par quelques serments qu’il m’engageât sa foi,
L’esclave me fait peur qui doit être mon Roi.
Éraste aussi m’en veut, un galant d’importance,
Et propre en un besoin à mourir de constance,
Mais si fort hors de mode et du temps de jadis,
Qu’il te disputeroit à tous les Amadis.
Il est vrai que depuis, la défaite d’Oronte
D’un triomphe si bas efface bien la honte.

Lisette

Ce cavalier vous sert ?

Dorotée

Quoi, sais-tu quel il est ?

Lisette

Je l’entends estimer.

Dorotée

Lisette, qu’il me plaît !
L’air en est noble, aisé, la mine peu commune,
Une humeur enjouée et jamais importune,
L’esprit aussi charmant que le port gracieux,
S’il parle galamment, il écrit encor mieux,
À son propre mérite il doit toute sa gloire,
Et connoît ce qu’il vaut sans trop s’en faire accroire.
Je sens presque pour lui déjà je ne sais quoi,
Et s’il continuoit à soupirer pour moi,
Encor que de mon cœur la garde me soit chère,
Je pourrois me résoudre enfin à m’en défaire.
Par là juge, Lisette, où j’en suis aujourd’hui
Lisette, montrant deux billets qu’elle tient.|c}}
L’un de ces deux billets ne vient donc pas de lui,