Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 1, 1748.djvu/401

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De Florame et de vous ayant su la pratique,
Je vins au rendez-vous, confus, mélancolique,
J’y pleurai, j’y gémis, soupirai de mon mieux,
Et fis ce que je pus pour mourir à vos yeux ;
Mais j’en trouve l’usage un peu trop incommode,
Et tiens qu’il n’est rien tel que d’aimer à la mode.

Lucie

Dites à votre mode, en trompeur, en ingrat.

Oronte

L’amour en est plus gai s’il est moins délicat,
Et quand on s’y résout, jamais de jalousie,
Jamais…

Lucie

Donc sans raison mon âme en est saisie,
Et je dois démentir le rapport de mes yeux ?

Oronte

Les détourner à gauche est quelquefois le mieux.
Faisons que cette règle entre nous soit commune
Vivons à cœur ouvert, sans défiance aucune,
L’un l’autre sans soupçon croyons-nous sur la foi,
Je n’en n’ai point de vous, n’en ayez point de moi.
Quand je vous le dirai, croyez que je vous aime,
Quand vous me le direz, je le croirai de même ;
Tant qu’ainsi nous vivrons notre marché tiendra,
Au moindre changement notre marché rompra.

Lucie

Le véritable amour a des lois plus sublimes,
Nous en ferions un monstre en suivant ces maximes.

Oronte

Les suivant comme il faut, nous ferions seulement
Qu’il seroit un plaisir, et non pas un tourment.

Lucie

Ah ! Qui dans son amour voit le moindre partage,
S’il n’en meut de douleur, doit manquer de courage.

Oronte

S’il falloit qu’en effet cette maxime eût cours,
Nous serions en danger de mourir tous les jours.