Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 1, 1748.djvu/410

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Mais à peine pour vous il me vantoit son feu,
Qu’une Dame arrivant, c’est là le beau du jeu.
Sans dire quoi ni qu’est-ce, au mépris de sa flamme,
Le causeur est allé lui chanter même gamme,
Et sur l’heure à mes yeux sans autre compliment
S’est mis à cajoler fort gracieusement.

Dorotée

Quoi, devant toi l’ingrat auroit eu l’impudence
De mettre lâchement au jour son inconstance,
De lui parler d’amour ?

Lisette

Oui, vous dis-je, à mes yeux.

Dorotée

Il fourbe donc, le traître ?

Lisette

Il s’y connoît des mieux.

Dorotée

Mais cette Dame enfin qu’est-elle devenue ?
Achève.

Lisette

Après l’avoir longtemps entretenue,
Tout à coup (mais sans doute ils l’avoient concerté)
Ils ont tiré tous deux chacun de leur côté.

Dorotée

Et pour savoir son nom tu ne l’as point suivie ?

Lisette

Je l’ai tâchée, Madame, et j’en brûlois d’envie,
Mais le valet d’Oronte a rompu mon dessein,
Qui m’ayant su couler quelque douceur en main
Pour arrhes qu’il feroit encore tout autre chose,
M’a promis monts et vaux moyennant bouche close ;
Mais moi, Sachons un peu pour qui vous me prenez,
Puis lui jetant soudain ses écus d’or au nez,
Va, maroufle, ai-je dit, je ne suis point traîtresse,
Et ne sais ce que c’est que vendre ma Maîtresse.
Si j’ai besoin d’argent, sans lui manquer de foi,
Elle en a de réserve et pour elle et pour moi.
Alors si contre lui j’eusse cru mon courage…