Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/255

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Et voir si Cléomène osera dans ce jour
Tirer du sang d’un roi le prix de son amour.

NICANDRE.

Ce n’est donc pas assez qu’une affreuse victoire
D’un bel espoir au mien ait défendu la gloire,
Si par un ennemi mon devoir combattu
Ne voit le sort jaloux confondre ma vertu.
Il faut vaincre pourtant : retourne, emploie Iphite,
Joins ses efforts aux tiens, presse, agi, sollicite,
Et fais si bien qu’enfin Timocrate aujourd’hui
Daigne accepter de moi ce que je tiens de lui.

ARCAS.

Puis-je avec tant d’ardeur le forcer à se rendre,
Si votre amour par là n’a plus rien à prétendre ?

NICANDRE.

Quoi ? Sa fuite auroit pu relever mon espoir ?

ARCAS.

Oui, s’il l’eut dans l’abord laissée en mon pouvoir,
Car j’avois fait déjà soupçonner à la reine
Qu’elle hasardoit trop à croire Cléomène,
Et qu’un faux Timocrate entre ses mains remis,
Pouvoit surprendre un bien aux seuls princes promis.
Ainsi dans ce refus d’éclaircir sa naissance,
Timocrate échappé par notre intelligence,
On n’auroit pas eu peine à lui persuader
Que pour couvrir sa fourbe il l’eut fait évader.
Jugez lors quel espoir eut flatté votre flamme !

NICANDRE.

Qu’à ce lâche dessein j’eusse abaissé mon âme ?
Non, Arcas, mon amour, jaloux de son bonheur,
Peut attaquer son rang, mais non pas son honneur !

ARCAS.

Je sais que dès l’abord votre vertu sévère
Eut rompu ce projet à ne vous le pas taire,
Mais aussi je sais bien qu’en un pressant ennui
On doit souvent servir un prince malgré lui.
Cependant les soupçons où j’ai poussé la reine
Au lieu de le détruire avancent Cléomène,