Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/298

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C’est assez rarement qu’on la voit sans mépris
Se forcer à souffrir les soins d’Anaxaris.

BÉRÉNICE

Mais cette même loi qui la doit faire Reine
Lui défend de prétendre au Prince Philoxène,
Et son estime en vain flatteroit son désir,
Si dans ses seuls Sujets elle a droit de choisir.

ARAXE

Cette loi qui leur donne un si grand avantage
Semble avoir jusqu’ici conservé son usage,
Mais quoi qu’on en présume, elle a ses droits bornés
Aussitôt qu’il s’agit des Princes couronnés.
D’une funeste guerre à peine dégagée
La Phrygie en secret est encor partagée.
Il est des mécontents qui déjà jusqu’au Roi
D’un orage nouveau semblent porter l’effroi,
Et ce qu’en sa faveur Philoxène a su faire
Lui faisant voir toujours son appui mercenaire,
Il a jugé peut-être en Prince ambitieux
Que partageant son trône il le défendroit mieux.
Ainsi son sentiment qui contre nous s’explique
Ne doit être l’effet que de sa Politique,
Et du Prince sans doute il soutiendroit l’ardeur
S’il ne le destinoit à l’hymen de sa soeur.

BÉRÉNICE

Ne nous flattons donc plus d’un espoir téméraire
Dont la cause nous fut peut-être un peu trop chère.
Cet amour dont le Prince appuie en vain les droits
Ne sauroit résister au pouvoir de deux Rois ;
L’un y trouve sa honte, et je dois tout à l’autre.
À ces grands intérêts sacrifions le nôtre,
Et faisons voir au moins, en bravant leur rigueur,
Que le trône n’a rien de plus haut que mon cœur.
Tout ce que je demande, et qu’il faut que j’obtienne,
C’est que votre vertu s’accommode à la mienne,
Et que vous consentiez qu’après de si beaux nœuds
Je m’obstine au refus d’écouter d’autres voeux.