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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 3, 1748.djvu/25

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Et, dans les vœux divers qu’on me vient adresser,
Je ne sai tantôt plus où les pouvoir placer.

D. FERNAND.

Ta beauté, du plus fier te feroit un esclave.

BÉATRIX.

Je sai ce que je puis, ne faites point le brave,
Et croyez seulement que l’ayant entrepris,
Vous seriez bien adroit si vous ne restiez pris.
Qu’on se défende, ou non, de chercher à me plaire,
Quand j’ai dessein de prendre, on ne m’échappe guere ;
Et j’arrête si bien, qu’en ce droit absolu
Je n’ai perdu jamais que ce que j’ai voulu.

D. FERNAND.

Qui ne t’en croiroit pas ? Tu vaux que l’on t’admire ;
Tout est aimable en toi.

BÉATRIX.

Tout est aimable en toi.Vous pensez vous en rire ;
Mais après tout, peut-être, à m’examiner bien,
À la qualité près, il ne me manque rien.
Quoi que montre d’appas ma maîtresse & la vôtre,
Cette taille & ce port en valent bien quelque autre.
Si je n’ai point les traits si doux, si délicats,
J’ai des je ne sai quoi que la beauté n’a pas,
Le teint, je m’en rapporte, &, pour de la jeunesse,
Je pense que me voir c’est tout.

GUZMAN.

Je pense que me voir c’est tout.La bonne piece !
Si quelqu’un l’entend mieux, je le quitte.

BÉATRIX.

Si quelqu’un m’entend mieux, je le quitte.Jaseur,
Est-ce à toi de parler avec les gens d’honneur ?

GUZMAN.

Si je puis librement dire ce qui m’en semble,
Ton honneur & le mien sont bons à mettre ensemble ;
Et quiconque des deux pourroit n’en faire qu’un,
Feroit encor, je pense, un honneur bien commun.