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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 3, 1748.djvu/29

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D. JUAN.

Que je suis arrivé, Dom Juan ?Que vous l’étes.
En vain j’ai cru tenir toutes choses secrettes,
Ayant été dès hier par Guzman averti
Du long-temps qu’il vous sait de Séville parti ;
Et de notre amitié sachant l’étroite chaîne,
Il est venu chez moi me témoigner sa peine.

D. FERNAND.

Vous n’avez point alors tâché de l’abuser ?

D. JUAN.

Après ce qu’il savoit, qu’avois-je à déguiser ?
Votre arrivée ici se pouvoit-elle taire ?

D. FERNAND.

De mon secret sans doute il est fort en colere ?
Qu’aura-t-il cru de moi de ne l’avoir point vû ?

D. JUAN.

Que de votre combat c’est l’effet imprévû,
Et, qu’avant que le voir, vous jugiez nécessaire
D’attendre quelque temps le succès de l’affaire.

D. FERNAND.

Quel malheur !

D. JUAN.

Quel malheur !Cependant j’ai promis qu’aujourd’hui,
Puisque vous étiez libre, il vous verroit chez lui ;
C’est à vous d’y songer, ma parole est donnée.

D. FERNAND.

Quel prétexte choisir pour rompre l’hyménée ?
L’amour me cause ici d’étranges embarras.

D. JUAN.

Je n’entreprendrai point d’en combattre l’appas ;
Mais voyez Léonor, elle est sage, elle est belle,
Et ce que vous aimez vaut peut-être moins qu’elle.

D. FERNAND.

Ah ! Ne m’en parlez point, Léonor me déplaît.

D. JUAN.

Sans la voir, sur son nom vous en donnez l’arrêt ?

D. FERNAND.

Je ne la puis souffrir.