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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 3, 1748.djvu/32

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D. DIÉGUE.

D’un si fâcheux délai quelle que soit la suite,
Je ne puis qu’admirer votre sage conduite ;
Et, si vos sentiments se déclarent pour nous,
J’emploierai Léonor à les savoir de vous.
L’Époux qu’elle attendoit, arrivé de Séville,
Va déjà commencer la joie en ma famille ;
Et comblant d’heur un fils qui se sent captiver,
C’est votre seul aveu qui la peut achever.
Le ciel daigne en hâter l’heureuse certitude.



Scène II.

ISABELLE, BÉATRIX.
BÉATRIX.

Ce choix vous va causer un peu d’inquiétude ?
Si Dom Félix fait voir son amour par ses soins,
Dom Dionis pour vous n’en témoigne pas moins ;
Votre cœur doit parler c’est à vous de l’entendre.

ISABELLE.

En se déférant trop, il craint de se méprendre.
Ces soupirans d’office, en tous lieux si chéris,
Sont d’aimables amans, mais de fâcheux maris ;
En vain la plus parfaite aura touché leur ame,
S’ils l’adorent maîtresse, ils la méprisent femme,
Et leurs vœux attachés à de nouveaux appas,
Dédaignent ce qu’ils ont pour tout ce qu’ils n’ont pas.
Voilà ce qui suspend tout ce que je propose.

BÉATRIX.

De vrai, le mariage est une étrange chose ;
Et qui s’en peut louer, pour en bien discourir,
Au métier de forçat n’auroit guère à souffrir.
La chaîne en est, dit-on, si rude & si pesante,
Que, qui n’en gémit point, a l’ame bien constante ;