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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 3, 1748.djvu/37

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C’est par ce seul motif qu’il m’a vûe obstinée
À lui taire & mon nom & de qui je suis née ;
Et qu’à le voir souvent ayant sû m’obliger,
Avant qu’il me connût j’ai voulu l’engager.
L’amour, dont on sait trop jusqu’où les droits s’étendent,
Est toujours favorable à deux cœurs qui s’entendent ;
Et pour rompre un hymen qui confond mon espoir,
Pourvû qu’on l’en consulte, il a trop de pouvoir.

ISABELLE.

Mais l’époux arrivé, que pouvez-vous prétendre ?

LÉONOR.

C’est ce qu’à Dom Fernand j’ai résolu d’apprendre ;
Et, pour lui découvrir cet important souci,
Jacinte, qui l’attend, va l’amener ici.
Je m’en suis crû chez vous la liberté permise.

ISABELLE.

Il n’est rien qu’avec moi l’amitié n’autorise.

LÉONOR.

Le logis de derriere ouvre en un lieu désert,
Par où le faire entrer sans qu’il soit découvert ;
Jacinte en est instruite, & sait ce qu’il faut taire.

ISABELLE.

Cette précaution étoit peu nécessaire ;
Qui vit comme je fais, sans détour, sans façon,
Brave la médisance, & craint peu le soupçon.
Mais enfin, aujourd’hui vous lui voulez tout dire ?

LÉONOR.

Non, mais ce seul hymen dont mon amour soupire ;
Et par ses sentimens prendre droit de juger
Jusqu’où, pour y répondre, il me doit engager.

ISABELLE.

Souvent un beau dehors a l’art de nous séduire.

LÉONOR.

Aussi, par vos conseils je cherche à me conduire ;
Et ce qu’il veut savoir ne lui sera connu,
Qu’après que vous l’aurez vous-même entretenu.