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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 3, 1748.djvu/54

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Et m’offre la douceur dont un destin jaloux
M’a tantôt empêché d’aller jouïr chez vous.
J’ose au moins me flatter de vous voir assez bonne,
Pour consentir au bien que le hasard me donne ;
Et ne murmurer pas, que contre mon espoir
Il accorde à mes vœux le plaisir de vous voir.

ISABELLE.

Pour vous le faire croire, il suffit de vous dire
Que, plus je vous connois, & plus je vous admire.
Les divertissemens que vous vous choisissez
Ne trouveront jamais qui les estime assez,
Votre agréable humeur galamment les ordonne ;
Mais, afin d’épargner votre double personne,
À qui d’elle avec vous parlai-je maintenant ?
Est-ce à Dom Dionis, ou bien à Dom Fernand ?
Êtes-vous de Grenade, ou venez-vous de Flandre ?

D. FERNAND.

De telles questions ont droit de me surprendre.
Vous avez déjà sû, par d’autres que par moi,
Qu’en Flandre assez long-temps on m’a vû dans l’emploi ;
Le desir du repos a causé ma retraite.
Cependant en ces lieux j’ai trouvé ma défaite ;
Et mon cœur que l’amour n’avoit pû surmonter,
Charmé de vos appas, n’a sû leur résister ;
Vous le savez ; mais las ! Je crains bien que votre ame
Ne cede au repentir d’avoir souffert ma flamme ;
Et que ce rendez-vous, ôté cruellement,
Ne soit déjà l’arrêt de mon bannissement.

ISABELLE.

Prévenir les sujets que j’aurois de me plaindre,
C’est fort adroitement pratiquer l’art de feindre.
Si j’avois pû tantôt tomber dans le panneau,
Vous me feriez encor y donner de nouveau ;
Mais, quoique mon esprit n’ait pas tant de lumieres,
Il faut pour l’éblouir des fourbes moins grossieres ;