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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 3, 1748.djvu/65

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Scène VI.

D. FERNAND, LÉONOR, JACINTE, GUZMAN.
LÉONOR à Jacinte.

Que Dom Fernand s’expose à venir chez mon pere ?

JACINTE.

Sa passion par là se croit justifier,
Il avoit sû de vous qu’on veut vous marier,
Et d’Isabelle, ensuite, ayant appris le reste,
Il vient chercher à rompre un hymen si funeste.
Madame, qui craint tout doit un peu hazarder.

LÉONOR.

Il m’en croit offensée, & n’ose m’aborder.

D. FERNAND.

M’ayant vû prêt d’entrer, Guzman, que dira-t-elle ?

LÉONOR, à D. Fernand.

De votre amour pour moi cette épreuve est cruelle ;
Et je n’aurois pas cru qu’un mouvement jaloux
Vous fît payer si mal ce que j’ai fait pour vous.
Quoi que, sur mon rapport, vous ayez lieu de craindre
Que mon pere à l’hymen ne me veuille contraindre,
Vous avez dû me croire assez de fermeté,
Pour n’en redouter pas toute l’autorité.
Cependant, c’est par vous que le sort m’assassine,
Vous venez chez Dom Diégue assurer ma ruine ;
Et ne voulez pas voir qu’en ce pressant ennui,
C’est me perdre en effet que paroître chez lui.
Qu’y venez-vous chercher, sachant ce qui s’y passe ?
Laissez-moi les moyens d’éviter ma disgrace ;
Et ne dédaignez pas, pour mériter ma foi,
Quand j’ose tout pour vous, de faire un peu pour moi.