Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/140

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Il me vient d'une part qui m'est trop à chérir

Pour craindre d'essuyer ce qu'il faudra souffrir.

Angélique

Que faire où la rencontre étoit si surprenante?

Léandre

Soutenir qu'il vouloit cajoler la servante,

Et qu'a courue au bruit vous lui faisiez leçon...

Angélique

Mais je ne querellois en aucune façon,

Et même elle m'avoit en entrant écoutée.

Léandre

Qu'il soit donc chevalier de la dame enchantée.

Car c'est enchantement qu'aimer à soixante ans.

Oronte

Vous me raillez ; chacun peut-être aura son temps.

Que sait-on ?

Lisette à Oronte.

Pour le moins il a cet avantage

Que si pour notre tante il sucroit le breuvage,

Ma foi, vous tireriez votre poudre aux moineaux ;

II vous supplanteroit.

Léandre

Voyez ce que je vaux.

Mon étoile est heureuse, et c'en est une marque.

Oronte

C'est une rude mer que celle où je m'embarque!

Mais je ne compte à rien tout ce que je prévoi,

Pourvu que cette belle ait du penchant pour moi;
Qu'elle daigne à mon feu permettre l'espérance.

Angélique

J y vois beaucoup d'ardeur ; s'il a de la constance,

D'une ame généreuse il peut tout espérer.

Oronte

C'est de quoi cet ami pourrait vous assurer;

C'est un autre moi-même ; il voit toute mon ame.

Pour plus de sûreté d'une éternelle flamme Souffrez que devant lui je vous donne ma foi ;

Qu'il en soit le garant.

Lisette à Angélique.