Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/203

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Sachant l’indigne feu dont vous osez brûler,
Élise peut nous perdre, elle n’a qu’à parler.
De quel œil le Sénat verra-t-il l’insolence
Qui vous fait d’Annibal rechercher l’alliance,
Et quels nœuds votre amour s’est-il jugés permis
Avec le plus mortel de tous ses Ennemis ?
Cessez de vous flatter ; nous dépendons de Rome.
Annibal vaut beaucoup, mais ce n’est qu’un seul homme,
Et dans ce qu’à mon sceptre il faut chercher d’appui,
L’amitié des Romains peut pour nous plus que lui.
C’est elle qui soutient les Trônes qui chancellent,
Et sans cette amitié que mes soins renouvellent,
Nous nous verrions réduits à courber sous le poids
Sous qui déjà partout gémissent tant de Rois.
Profitons de l’exemple, et craignons leur disgrâce.

Nicomède

Les exemples, Seigneur, n’ont rien qui m’embarrasse.
Chacun a sa conduite, et tel peut succomber
Où tout autre après lui craindra peu de tomber.
Non que par cet hymen qui semble vous déplaire
Je cherche à vous ôter une amitié si chère ;
Bien loin qu’il ait de quoi faire ombrage aux Romains,
Pourroient-ils mettre Élise en de plus sûres mains ?
Il n’est rien que pour eux votre foi ne prévienne.
Ils trouveront en elle un garant de la mienne,
Et dans le fils d’un Roi qui les veut respecter,
Le gendre d’Annibal n’est point à redouter.
Que si de ce projet Rome se rend l’arbitre,
Seigneur, vous êtes Roi, soutenez ce grand titre,
Et sans vous éblouir de devoirs apparents,
Négligez des Amis qui se font vos tyrans.
Rejetez une indigne et basse dépendance.
Cent Princes opprimés prendront votre défense,
Toute l’Asie aspire à voir briser ses fers,
Tirez-la d’esclavage, et vengez l’univers.

Prusias

Voilà les sentiments que l’amour vous inspire ?
Élise vous apprend ce que vous m’osez dire,