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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/204

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Et ce parfoit accord de haine et d’intérêt,
A pour toucher son cœur le charme qu’il lui plaît ?
Si déjà son pouvoir est si grand sur votre âme,
Jusqu’où n’ira-t-il point avec le nom de Femme ?
Pour plaire à ces beaux yeux dont vous êtes épris,
Rome vous paroîtra digne de vos mépris ;
Vous armerez contre elle, et jusqu’en Italie
Vous irez de vos feux étaler la folie.
J’y consens, perdez-vous, et sans plus m’écouter,
Courez prendre les fers que vous voulez porter.
Cent Rois ont avant vous estimé cette gloire,
Ils vous pressent d’oser, il est beau de les croire,
Et de chercher comme eux par d’illustres desseins
À servir de triomphe aux armes des Romains.

Nicomède

Du moins, Seigneur, du moins j’aurai cet avantage
Qu’ils ne pourront jamais soumettre mon courage,
Et si l’indignité de quelque dur revers
Me réduit quelque jour à la honte des fers,
Je n’imiterai point l’abaissement extrême
Qui va les mendier jusque dans Rome même.

Prusias

Et moi, je saurai bien, si vous vous emportez,
Arrêter la fureur de vos témérités ;
Non que dans un discours dont la fierté m’outrage
Je n’excuse et l’amour et la chaleur de l’âge.
Le temps éteindra l’une, et saura modérer
L’orgueil d’un mouvement trop bouillant pour durer ;
Mais si dans votre cœur vos soins n’étouffent l’autre,
Je suis Père du Peuple avant qu’être le vôtre,
Et les nœuds les plus doux n’ont rien qu’avec éclat
Ma justice n’immole au repos de l’État.
Pensez-y mûrement, allez.

Nicomède

Je me retire,
Mais trouvez bon, Seigneur, que j’ose encor vous dire,
Que si pour plaire à Rome il faut trahir son rang,
Elle peut de bonne heure ordonner de mon sang.