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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/213

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Élise

J’oserai plus vous dire.
À vous voir éloigné le Roi lui-même aspire,
Et cet ordre soudain qui nous prive de vous,
N’est que l’indigne effet d’un mouvement jaloux.
Je n’en saurois douter, Prince, j’ai su lui plaire.
Ses regards enflammés ne me le peuvent taire,
Ma vue est le seul bien dont il cherche à jouir,
Et souvent j’entends plus que je ne veux ouïr.

Nicomède

Pardonnez mon désordre à ma surprise extrême.
Quoi, Madame, il se peut que Prusias vous aime,
Que l’ordre de partir…

Élise

Si vous obéissez,
Prince, voyez, de grâce, à qui vous me laissez.

Nicomède

Si j’osois le bien voir, je craindrois de trop dire.
Adieu, Madame.

Élise

Hélas !

Nicomède

Quoi, votre cœur soupire ?
À quoi dois-je imputer ce tendre mouvement ?
Quand je trouve un Rival, l’obtiens-je comme Amant ?
Parlez.

Élise

Que vous dirai-je ?

Nicomède

Expliquez-vous de grâce.

Élise

Un soupir dit beaucoup quand le cœur s’embarrasse,
Et qui peut l’arracher après mille combats,
Le mériteroit peu s’il ne l’entendoit pas.

Nicomède

Ô trop charmant aveu de la plus belle flamme
Dont ait pu jusqu’ici brûler une grande âme !