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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/259

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Scène II

Élise, Prusias, Attale, Araxe

Attale

Madame, craignons tout ; c’est peu qu’on vous trahisse,
De ses pièges sur moi Rome étend l’artifice,
Et ma Garde séduite, au lieu de m’écouter,
Me fermant le passage, a voulu m’arrêter.
Je me le suis ouvert malgré sa résistance,
J’ai rejoint Annibal, embrassé sa défense,
Mais j’ai bientôt connu que contre les Romains,
Trahis de toutes parts, nos efforts étoient vains.
Ceux qui l’environnoient, quoi qu’il en dût attendre,
Le livroient bien plutôt qu’ils ne l’osaient défendre.
Ils m’ont mis hors d’état de le plus seconder,
Et le voyant au nombre obligé de céder,
Contre les noirs complots d’une jalouse envie
Je suis ici venu vous apporter ma vie.
Disposez-en, Madame, et pour vous secourir
Servons-nous des moyens qui se pourront offrir.
J’ose tout entreprendre, et puisque je vous aime…

Élise

L’assurance est pour moi d’une douceur extrême.
Venez, venez tous deux, nobles Héros d’amour,
Qui tandis qu’on se bat me faites votre cour.
À couvert du péril où le soin de me plaire
Vous a fait sans scrupule abandonner mon Père,
Satisfaites l’ardeur de vos tendres désirs,
Épargnez votre sang, et poussez des soupirs.
Qu’ai-je affaire de vous, lâches, et de vos vies,
Lorsque d’un cœur si bas vos offres sont suivies ?
Pour m’arracher au Sort, en bravez les courroux,
S’il ne faut que mourir, je mourrai bien sans vous.