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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/260

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Attale

D’un reproche si dur l’injustice m’étonne.
J’abandonne, il est vrai, mais quand on m’abandonne,
Et je rendrai bientôt votre esprit éclairci,
Si c’est pour m’épargnez que je parois ici.
PRUSIAS à Attale.
Par les commencements on peut prévoir la suite.
Vous trouvez, dites-vous, votre Garde séduite,
Et le même intérêt qui retient vos Soldats,
Sur le point d’oser tout, retiendra votre bras.

Attale

Gardez qu’à vos dépends vous le puissiez connoître.
Si la trahison plaît, on abhorre le Traître,
Et pour goûter le fruit de vos desseins jaloux,
Tout mon sang à verser est de l’emploi pour vous.

Prusias

Nous verrons s’il sera difficile à répandre,
Quand vous attaquerez ce que je viens défendre.

Attale

Oui, le sang d’Annibal doit être défendu,
Mais de ses Défenseurs on sait qui l’a vendu.

Élise

Qu’importe qui de vous m’assure d’un vrai zèle,
Quand Annibal vous voit l’un et l’autre infidèle ?
C’étoit autour de lui qu’il falloit étaler
Ce beau feu qui pour moi s’offre à tout immoler.
Celui qui des Romains eût garanti mon Père,
Se fût acquis le droit de prétendre à me plaire,
Mais enfin vous l’avez tous deux abandonné,
Tous deux signé l’arrêt qu’un Parjure a donné,
Et l’ardeur qu’à l’envi vous me faites paroître,
Ne m’offre un Défenseur qu’en me cachant un Traître.
Mais je veux en tous deux croire une égale foi ;
N’ayant pu rien pour lui, que pourrez-vous pour moi ?
L’exemple d’Annibal contre un si rude orage
N’a pu vous inspirer ni vertu ni courage,
Et dans cette honteuse et timide langueur,
Une Fille en parlant vous donnera du cœur ?