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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/562

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Cet Ami si longtemps de Thésée attendu,
Pour partager sa joie, en ces lieux s’est rendu.
Il vient être témoin du bonheur de sa flamme.
Ainsi plus de remise ; il faut m’arracher l’âme,
Et me soumettre enfin au tourment sans égal
De voir tout ce que j’aime au pouvoir d’un Rival.

ARCAS.

Ariane vous charme, et sans doute elle est belle ;
Mais Seigneur, quand l’Amour vous a parlé pour elle,
Avez-vous ignoré que déjà d’autres feux
La mettoient hors d’état de répondre à vos voeux ?
Sitôt que dans cette Île où les vents la poussèrent,
Aux yeux de votre Cour ses beautés éclatèrent,
Vous sûtes que Thésée avoit par son secours
Du labyrinthe en Crète évité les détours,
Et que pour reconnoître une amour si fidèle,
Vainqueur du Minotaure, il fuyoit avec elle.
Quel espoir vous laissoient des nœuds si bien formés ?
Ils étoient l’un de l’autre également charmés.
Chacun d’eux l’avouoit, et vous-même en cette Île
Contre le fier Minos leur promettant asile,
Vous les pressiez d’abord d’avancer l’heureux jour
Qui devoit par l’hymen couronner leur amour.

OENARUS.

Que n’ont-ils pu me croire ? Ils m’auroient vu sans peine
Consentir à ces noeuds, dont l’image me gêne.
Quoique alors Ariane eût les mêmes appas,
On résiste aisément quand on n’espère pas,
Et du moins je n’eusse eu, pour sauver ma franchise,
Qu’à vaincre de mes sens la première surprise ;
Mais si mon triste cœur à l’amour s’est rendu,
Thésée en est la cause, et lui seul m’a perdu.
Sans songer quels honneurs l’attendent dans Athènes ;
Ici depuis trois moi il languit dans ses chaînes,
Et quoi que dans l’hymen il dût trouver d’appas,
Pirithoüs absent, il ne les goûtoit pas.