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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/563

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Pour en choisir le jour, il a fallu l’attendre.
C’est beaucoup d’amitié pour une amour si tendre.
Ces délais démentoient un cœur bien enflammé ;
Et qui n’auroit pas cru qu’il n’auroit point aimé ?
Voilà sur quoi mon âme à l’espoir enhardie,
S’est peut-être en secret un peu trop applaudie.
Les plus charmants Objets qui brillent dans ma Cour
Sembloient chercher Thésée, et briguer son amour.
Il rendoit quelques soins à Mégiste, à Cyane.
Tout cela me flattoit du côté d’Ariane,
Et j’allois quelquefois jusqu’à m’imaginer
Qu’il dédaignoit un bien qu’il n’osoit me donner.

ARCAS.

Dans l’étroite amitié qui depuis tant d’années
De deux Amis si chers unit les destinées,
Il n’est pas surprenant que malgré de beaux feux,
Thésée ait jusqu’ici refusé d’être heureux.
C’est de quoi mieux goûter le fruit de sa victoire,
Qu’avoir Pirithoüs pour témoin de sa gloire.
Mais, Seigneur, Ariane a-t-elle en son Amant
Blâmé pour un Ami ce trop d’empressement ?
En avez-vous trouvé plus d’accès auprès d’elle ?

OENARUS.

C’est là ma peine, Arcas, Ariane est fidèle.
Mes languissants regards, mes inquiets soupirs
N’ont que trop de ma flamme expliqué les désirs.
C’étoit peu, j’ai parlé ; mais pour l’heureux Thésée
D’un feu si violent son âme est embrasée,
Qu’elle a toujours depuis appliqué tous ses soins
À fuir l’occasion de me voir sans témoins.
Phèdre sa Soeur, qui sait les peines que j’endure,
Soulage en m’écoutant ma funeste aventure ;
Et comme il ne faut rien pour flatter un Amant,
Je m’obstine pour elle, et chéris mon tourment.

ARCAS.

Avec un tel secours vous êtes moins à plaindre ;
Mais Phèdre est sans amour, et d’un mérite à craindre.