Aller au contenu

Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/569

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Par là, ce qu’il donnoit à la reconnoissance
De l’amour auprès d’elle eut l’entière apparence.
Pour payer ce qu’au sien je voyois être dû
Mille devoirs… Hélas ! C’est ce qui m’a perdu.
Je les rendois d’un air à me tromper moi-même
À croire que déjà ma flamme étoit extrême,
Lorsqu’un trouble secret me fit apercevoir
Que souvent pour aimer c’est peu que le vouloir.
Phèdre à mes yeux surpris à toute heure exposée…

PIRITHOÜS.

Quoi, la Soeur d’Ariane a fait changer Thésée ?

THESEE.

Oui, je l’aime, et telle est cette brûlante ardeur,
Qu’il n’est rien qui la puisse arracher de mon cœur.
Sa beauté, pour qui seule en secret je soupire,
M’a fait voir de l’Amour jusqu’où s’étend l’empire ;
Je l’ai connu par elle, et ne m’en sens charmé
Que depuis que je l’aime, et que j’en suis aimé.

PIRITHOÜS.

Elle vous aime ?

THESEE.

Autant que je le puis attendre
Dans l’intérêt du sang qu’une sœur lui fait prendre.
Comme depuis longtemps l’amitié qui les joint
Forme entre elles des nœuds que l’Amour ne rompt point,
Elle a quelquefois peine à contraindre son âme
De laisser sans scrupule agir toute sa flamme,
Et voudroit, pour montrer ce qu’elle sent pour moi,
Qu’Ariane eût cessé de prétendre à ma foi.
Cependant pour ôter toute défiance
Qu’auroit donné le cours de notre intelligence,
Naxe a peu de Beautés pour qui des soins rendus
Ne me semblent coûter quelques soupirs perdus ;
Cyane, AEglé, Mégiste ont part à cet hommage.
Ariane le voit, et n’en prend point ombrage,
Rien n’alarme son cœur, tant ce que je lui dois
Contre ma trahison lui répond de ma foi.