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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/570

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PIRITHOÜS.

Ces devoirs partagés ont trop d’indifférence
Pour vous faire aisément soupçonner d’inconstance.
Mais quand depuis trois mois vous m’avez attendu,
Ne vous déclarant point, qu’avez-vous prétendu ?

THESEE.

Flatter l’espoir du Roi, donner temps à sa flamme
De pouvoir malgré lui tyranniser son âme,
Gagner l’esprit de Phèdre, et me débarrasser
D’un hymen dont peut-être on m’auroit fait presser.

PIRITHOÜS.

Mais me voici dans Naxe, et quoi qu’on puisse faire,
Votre infidélité ne sauroit plus se taire.
Quel prétexte auriez-vous encor à différer ?

THESEE.

Je me suis trop contraint, il faut me déclarer.
Quoi que doive Ariane en ressentir de peine,
Il faut lui découvrir que son hymen me gêne,
Et pour punir mon crime, et se venger de moi,
La porter, s’il se peut, à faire choix du Roi.
Vous seul, car de quel front lui confesser moi-même
Qu’en moi c’est un ingrat, un parjure qu’elle aime ?
Non, vous lui peindrez mieux l’embarras de mon cœur.
Parlez, mais gardez bien de lui nommer sa Soeur.
Savoir qu’une Rivale ait mon âme charmée,
La chercher, la trouver dans une Soeur aimée,
Ce seroit un supplice, après mon changement,
À faire tout oser à son ressentiment.
Ménagez sa douleur pour la rendre plus lente.
Avouez-lui l’amour, mais cachez-lui l’Amante.
Sur qui que ses soupçons puissent ailleurs tomber,
Phèdre à sa défiance est seule à dérober.

PIRITHOÜS.

Je tairai ce qu’il faut ; mais comme je condamne
Votre ingrate conduite au regard d’Ariane,
N’attendez pas de moi que pour vous dégager
Je lui parle du feu qui vous porte à changer.