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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/572

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Qu’aucun amour jamais n’eut tant de fermeté,
Qu’ayant tout fait pour vous elle a tout mérité,
Et plus l’instant approche où cette Infortunée
Après un long espoir doit être abandonnée,
Plus un secret remords trouve à me reprocher
Que lui vole un bien qui lui coûte si cher.
Vous lui devez ce cœur dont vous m’offrez l’hommage.
Vous lui devez la foi que votre amour m’engage ;
Vous lui devez ces vœux que déjà tant de fois…

THESEE.

Ah, ne me parlez plus de ce que je lui dois.
Pour elle contre vous qu’ai-je oublié de faire ?
Quels efforts ! J’ai taché de l’aimer pour vous plaire ;
C’est mon crime, et peut-être il m’en faudroit haïr,
Mais vous m’en donniez l’ordre, il falloit obéir.
Il falloit me la peindre aimable, jeune, belle,
Voir son Pays quitté, mes jours sauvés par elle.
C’étoit de quoi sans doute assujettir mes vœux
À n’aimer qu’à lui plaire, à m’en tenir heureux ;
Mais son mérite en vain sembloit fixer ma flamme ;
Un tendre souvenir frappoit soudain mon âme.
Dès le moindre retour vers un charme si doux
Je cédois au penchant qui m’entraîne vers vous,
Et sentois dissiper par cette ardeur nouvelle
Tous les projets d’amour que j’avois faits pour elle.

PHÈDRE.

J’aurois de ces combats affranchi votre cœur,
Si j’eusse eu pour Rivale une autre qu’une Soeur ;
Mais trahir l’amitié dont on la voit sans cesse…
Non, Thésée, elle m’aime avec trop de tendresse.
D’un supplice si rude il faut la garantir,
Sans doute elle en mourroit, je n’y puis consentir.
Rendez-lui votre amour, cet amour qui sans elle
Aurait peut-être dû me demeurer fidèle ;
Cet amour qui toujours trop propre à me charmer,
N’ose…